Le Puy-du-Fou vers 1850
Le Puy-du-Fou
vers 1850
Récit du voyage de M. O. de Rochebrune à travers la Vendée, en 1861.
Extrait concernant le Puy-du-Fou
(Revue du Bas-Poitou, 1925, 4ème livraison)
Dimanche 7 juillet 1861
Après avoir entendu la messe à Mallièvre et fait une visite à M. Jacobsen, le curé du lieu, qui nous montre le fauteuil criblé de balles, où Delbée fut fusillé dans les fossés du château de Noirmoutier - souvenir sanglant qui nous a laissé une douloureuse impression - nous partons pour le Puy-du-Fou. Mon coeur battait d'inquiétude en apercevant au milieu des chênes les lucarnes géminées et les murs de briques du célèbre château. Je n'ai jamais sans une indéfinissable émotion abordé une ruine inconnue et vantée; je me demande toujours si elle tiendra les promesses que sa célébrité exige.
L'entousiasme, la joie emplissait mon âme, pendant que je grimpais aux sommets élevés des escaliers, ou que je pénétrais, armé d'un flambeau, dans les obscurs soubassements.
Du haut en bas, la construction du Puy-du-Fou est superbe. Les profils ont une puissance, une grandeur que j'étais loin de supposer réunies à un si haut degré; l'escalier surtout mérite plus que toutes les autres parties du château d'attirer l'attention: il est à double rampe comme ceux du Louvre et de Coulonges, dont il rappelle essentiellement les dispositions principales. La voussure qui supporte les marches est en plein cintre et par conséquent indépendante des marches elles-mêmes. Elle est formée de bandes de caissons égaux, taillés avec infiniment de soin et d'habileté dans une matière dure comme le marbre. les profils de ces caissons ressemblent en tous points comme moulures à ceux de l'escalier de Coulonges.
Les chambranles des portes sont également ornés d'un quart de rond comme à Coulonges. Le petit porche de la cour rappelle d'une façon singulière celui de l'escalier de Coulonges. Mais la comparaison s'arrête là. car si Coulonges l'emporte de beaucoup par la quantité et la perfection de ses sculptures, qui ne sauraient exister au Puy-du-Fou eu ébgard à la nature des matériaux, il est obligé de céder le premier rang devant les superbes entablements, les saillies puissantes des porches, et l'heureuse combinaison des arcatures étagées, les unes devant les autres dans le vestibule, qui précède l'escalier où la combinaison architectonique est des plus savantes.Car afin de rompre l'aspect monotone des cintres juxtaposés en arcatures égales, l'architecte du Puy-du-Fou a formé son second rang d'arcades de deux énormes voussures anse de panier qui donnent entrée à l'escalier.
Gravure illustrant l'ouvrage du Comte E. de Monbail en 1843
Les cintres se coupant ainsi sont du plus heureux effet, et les ombres qu'ils produisent d'un aspect véritablement saisissant. La même conception a dominé dans le second porche, qui est décoré de simples pilastres, au lieu de colonnes ioniques qui contournent les piles du grand.
Les fenêtres étaient à double croix de pierre. La plupart sont détruites. les profils des ébrasures sont fins et superbes. les lucarnes ont deux consoles de support, semblables à celles de ma porte de Coulonges. Je recommande surtout à l'attention des amateurs la magnifique et longue galerie plein cintre et à pilastres qui s'étend d'une tour octogonale au porche principal du château; elle est d'un style simple et magistral qui annonce un architecte ayant puisé aux sources les plus pures.
Une fenêtre à énorme meneau, avec double croix de granit surmonte les arcades de demi en demi. des lucarnes pareilles à celles de la façade régnaient sur chaque fenêtre. deux seulement subsistent encore.
j'ai retrouvé un débris de l'ancienne chapelle avec quelques lettres demi effacées, peintes dans une frise: PIC PASVI et très bien conservée: 1578. cette chapelle était également recouverte d'une voûte plein cintre à caissons moulurés comme ceux de l'ecalier. J'ai surtout admiré les grandes fenêtres plein cintre qui éclairent un des paliers de l'escalier du côté des prairies. ces fenêtres, supportées sur un étage à piles carrées sont séparées par de belles colonnes monolithes en granit d'ordre ionique.
La façade de ce côté est bien conservée. Sa brique est presque intacte. Sa grande corniche à modillons n'a aucune brisure. Les lucarnes à ouvertures plein cintre géminées sont superbes. La construction tout entière repose sur une terrasse élevée formée de grand appareil en granit. des vomitoires ou acqueducs renvoyaient les eaux dans le pré. Un grand étang se trouve à droite.
Dans la portion méridionale la construction attend encore l'aile en retour d'équerre qui devait fermer la cour. les soubassements composés de caves percées pour garder la viande sont immenses et d'une très belle conservation. Je ne m'explique pas trop les couloirs plein cintre et très nombreux qui s'y trouvent. C'était sans doute afin de répéter la disposition de la construction supérieure. les landiers sont exactement du même modèle que les miens, très altérés et représentant les armes du Puy-du-Fou.
J'examine avec soin le bassin et les sièges situés dans cette cave souterraine dont on a tant parlé. j'y vois simplement une cuve pour fouler le vin et dans chaque siège la place de ceux qui l'enfutaient dans des bouteilles. La petite table en pierre placée devant devait servir soit à poser les pieds, soit à déposer les bouteilles pour les boucher. Je laisse à d'autres plus habiles le soin de reconnaître les indices d'un tribunal secret où l'on immolait les victimes, séance tenante, soit en les noyant dans le bassin central, soit en les plongeant dans le petit timbre placé à côté. d'autres pourront y voir une piscine antique, car le fond de cette excavation bien maçonnée en pierre de granit moyen appareil de sept à huit pieds de profondeur est toujours rempli d'une eau très limpide.
Pour mon compte j'écarte toute idée de drame mystérieux et je n'y vois que des objets ayant dû servir sans aucun doute à des usages très vulgaires.
Dans l'enceinte extérieure du château j'ai constaté quelques débris de murailles et de contreforts antérieurs de quelques années à la construction du 16ème siècle.
Un peti édicule fort laid placé près de la porte d'entrée offre un rang de machicoulis grossiers à son sommet. A l'angle sud extérieur de la cour, on voit encore les substructions d'une énorme tour pentagonale qui servait en même temps de contrefort à l'angle du mur de l'enceinte extérieure...
Lundi 8 juillet
Je revois les appartements intérieurs du château du Puy-d-Fou. Tout est ruiné de fond en comble. Je ne comprends même pas l'absence presque totale de cheminées. Cependant après avoir cherché à droite et à gauche dedans les salles désertes , j'avise dans les substructions une salle énorme, et dans la partie la plus étroite, une plate-bande soutenue par deux colonnes de granit. Je me glisse sous cette plate-bande. C'était la cheminée de la cuisine, avec un four à droite et une autre cheminée à gauche.
Dans le côté opposé de la salle, une autre construction qui m'a également semblé devoir être une cheminée, porte l'écusson aux trois mascles d'argent sur fond rouge, encore apparent. Il était peint. Dans toutes ces constructions, je ne pouvais me lasser d'admirer la finesse et la belle exécution des moulures.
J'ai revu avec bonheur l'ecalier, dont le profil des rampes et des caissons rappelle ceux de Coulonges. L'ordre est ionique. Je me suis mis à admirer le porche qui donna accès dans l'escalier à double volée, lequel desservait l'aile gauche et la salle placée dans la façade jusqu'à l'autre porche. Il descendait également aux offices et aux caves par une voûte rampante en plein cintre. l'aspect intérieur est monumental au possible. Le premier palier ouvre sur les prairies par deux énormes arcatures cintrées flanquées de colonnes monolithes du plus beau caractère.
On accède ainsi au-dessus du porche recouvert de terrasses par un émarchement d'à peu près six pouces de haut. Tous les plafonds en plate-bandes sont démolis. L'architecte avait été mal inspiré en ne les construisant pas en matériaux de grand appareil comme à Coulonges. Les pierres de Coulonges ne faisant que peser sur les murs, au lieu de les pousser au vide, comme cette plate-bande composée de pierres de 40 centimètres carrés, ont pus sauver l'escalier de ce beau château, tandis qu'au Puy-d-Fou toute la voûte en plate-bandes étant comprise de la sorte, l'édifice a beaucoup souffert et toutes les parties en terrasse ont disparu. les voûtes seules en plein cintre ont résisté dans l'escalier et au petit porche. mais dans le grand, elles ont amené avant de tomber une dislocation si complète qu'une ruine totale est à peu près imminente.
Gravure illustrant l'ouvrage du Comte E. de Monbail en 1843
Pour les deux porches la combinaison architectonique est remarquable. Cela me rappelle le premier étage du Colysée, sauf les proportions. Les colonnes en granit avec leurs beaux chapiteaux ioniques sont parfaitement conservées. Le fût est monolithe. Le second porche se rapproche aussi de celui de Coulonges par son type. Il est également composé de l'ordre ionique avec fûts, pilastres d'angle. Une double arcade y donne accès. Au-dessus, une terrasse supportée par une voûte plein cintre en berceau et à caissons moulurés. De là on pénètre après avoir franchi un second vestibule, dans un joli escalier en hélice, qui s'ouvre par deux portes anse de panier. C'était le second escalier, bien inférieur au grand et peu large. Il est en outre mal éclairé dans les volées du rez-de-chaussée. A sa droite s'étendent encore des salles fort grandes qui ont été réparées au XVIIème siècle. Une niche en plâtre subsiste encore.
Mais la pluis venant à tomber à torrent, j'ai trouvé un abri à la porte de la ferme, d'où je me suis mis à dessiner ce remarquable monument.
N. D. L. R. - Malheureusement, comme le prévoyait M. de Rochebrune, il ne reste plus aujourd'hui de cette magnifique demeure que de beaux mais lamentables vestiges.
Gravure illustrant l'article "inédit" de Rochebrune (1861)
dans
le numéro de "La Revue du Bas-Poitou", datéde 1925, 4ème livraison.
le Puy-du-Fou vers 1900
(par Mlle de Suyrot?)
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