La mariée de Chambretaud (la curieuse histoire d'une chanson)
"La Mariée de Chambretaud"
Histoire d'une chanson
Cliquer sur ce lien et notez le titre de la chanson pour retrouver quelques cartes postales et une dizaine d'interprétations locales de la chanson
Références:
- 1848 : Benjamin Fillon : dans l'Histoire véridique des grandes et exécrables voleries et subtilitéz de Guillery, Fontenay, 1848
- 1867: Louis Favre, Glossaire du Poitou
- 1879-1881: Bulletins de la Société de Statistique, Sciences, Lettres, tome 4ème.
- 1910: Revue des Traditions populaires, octobre 1910.
- 1938: Ouest-Eclair, 23 mai 1938, page 6.
- 1981: Louis Chaigne: La Vendée une et diverse, p. 29.
Voici l'enregistrement réalisé en 1993 par l'Atelier des Herbiers-Chambretaud. Il s'agit d'une version harmonisée à 4 voix par le pianiste et compositeur Francois Riu-Barotte
On trouvera plus bas sur cette page l'intégralité du texte de la chanson
Contrairement à ce qui est affirmé dans tous les sites y faisant référence, cette chanson n'est fondée sur aucun fait historique et elle a été imaginée par un écrivain facétieux.
Cet auteur, de la fin du 19ème siècle, et qui signe Henri du Bocage (peut-être un pseudo), prend soin de préciser qu'il s'agit d'une légende.
Retrouvez le texte original publié dans
La Vendée Historique de Paul Bourgeois (1898)
C'est l'histoire d'un mariage raté et de ses conséquences. La petite Jacquette de Chambretaud a planté là son fiancé pendant la cérémonie de mariage. Elle ne reste pas tout habillée parce que Jean Loiseau a répondu "non" lors de la cérémonie de mariage. Bien au contraire, c'est elle qui déclare : "je ne veux point de ce sot". A partir de ce moment-là, aucun garçon de Chambretaud ne courtise la p'tit' Jacquette, jugée trop difficile et trop imprévisible...
Voici la carte postale la plus diffusée à partir des années 1900.
Le texte en bas, à gauche, est extrait de la chanson, par ailleurs très longue.
Il est d'ailleurs amusant de voir les sites qui datent le texte des années 30 l'illustrer avec des cartes postales des années 1900. Noter le mot "légende" qui le caratérise
(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Voici une autre carte postale, plus récente (années 60?). Les strophes reproduites sont un résumé de la chanson. Il n'est aucunement question de la Crimée et c'est toujours Jacquette qui fait faux bond à son fiancé.
Et enfin, celle-ci qui se contente de reproduire le début de la chanson.
Contrairement à ce qu'on peut lire sur maintes pages évoquant cette chanson,
- celle-ci n'est pas récente, elle date de 1898,
- elle n'est pas anonyme car elle est signée Henri du Bocage (peut-être un pseudonyme!)
- et elle n'a rien à voir avec la guerre de Crimée et les conditions de conscription sous Napoléon III.
- Le texte a subi une transformation qui le rend méconnaissable.
La version et l'interprétation historique souvent proposées, par Wikipedia en particulier, mais aussi par d'autres sites, (site suivant, entre autres) sont récentes et parfaitement fantaisistes. Elles ne reposent sur aucune preuve. Par ailleurs, elles sont en contradiction formelle avec le texte originel de la chanson, selon laquelle c'est Jacquette qui dit non à Jean Loizeau et non l'inverse. La version de 1939, si elle a vraiment existé, est tardive. Et si elle n'a pas existé, qui l'a inventé de toutes pièces?
La chanson était connue et chantée bien avant et pas simplement par la carte postale. Des étudiants angevins en avaient fait un sketch théâtral au début des années trente. Il est d'ailleurs curieux de voir sur une même page la chanson datée de 1938 et, pour l'illustrer, une carte postale des années 1900.
Concernant le style, le célèbre écrivain vendéen, Louis Chaigne, ne s'y trompe pas lorsqu'il écrit beaucoup plus tard:
"Un humour inégalable et qui s'arrête à peine, si l'on peut dire, au bord de la causticité, assaisonne parfois la chanson vendéenne. La "Mariée de Chambretaud" a été créée par un de nos malicieux compositeurs. Elle apprend aux trop exigeantes bâchelettes comment elles peuvent "mises à la diète"par les jeunes candidats au mariage.
Louis Chaigne: la Vendée une et diverse, p.29, 1981
C'est simplement l'histoire d'une jolie fille difficile qui plante son fiancé à l'église, (dans la version initiale, on se passe du maire!) et qui reste ensuite vieille fille parce que les garcons ne veulent plus prendre de risques avec elle. La version originale présente, à travers la caricature de moeurs et ... de la religion, une tonalité rabelaisienne, presque anticléricale (relire les paroles du curé), qui fait cruellement défaut à la pâle version de 1939.
23 mai 1938: La Mariée de Chambretaud s'invite à Angers
La chanson était déjà bien connue au-delà de la commune avant 1939 comme l'atteste cet article du journal Ouest-Eclair, datée du 23 mai 1938, relatant un fête estudiantine à Angers, au cours de laquelle on interpréta "La mariée de Chambretaud".
Voici le texte originel tel que la revue "la Vendée Historique" le proposait à ses lecteurs en 1898. il est plus circonstancié et sans doute plus amusant que la version plus récente. A noter qu'il servait encore de faire-valoir publicitaire à la maison Lepron qui le diffusait encore abondamment il y a une quinzaine d'années.
La légende de "la Mariée de Chambretaud" (chanson),1898
Version dite de 1939
précédée du texte introductif qui la présente, et diffusée par plusieurs sites.
(en particulier sur http://choletvelosport.free.fr/parcour/primavera.htm, août 2012)
"Chambretaud est connu pour sa légende du folklore vendéen « La mariée de Chambretaud », reposant toutefois sur un fait historique liè au Second Empire, au cours des années 1854 et 1855 : la France en guerre contre les Russes pour la conquête de Constantinople. Les contingents de soldats de métier étant décimés, le gouvernement de Napoléon III dut faire appel à des volontaires métropolitains pour renouveler le corps
expéditionnaire. Les autorités décidèrent d'envoyer en priorité les hommes célibataires. Célibataire endurci mais cependant rusé, un chambretaudais fit une demande en mariage auprès d'une vieille fille au célibat prolongé et la date du mariage fut fixée au 8 septembre 1855, ce qui lui permettait d'échapper à l'incorporation. Ayant appris le matin du mariage que Sébastopol était prise, il en a conclu que la guerre était terminée et qu'il se trouvait libre vis-à-vis des autorités militaires et des engagements civils qu'il s'apprêtait à souscrire. Il disparut momentanément et laissa la pauvre mariée aller toute seule à la mairie. Pauvre mariée abandonnée ! Mais quelques mois plus tard, conscient de la peine qu'il avait causée, le galant se racheta et épousa enfin elle qu'il avait délaissée de façon aussi inexplicable qu'inattendue. Les organisateurs de la kermesse de Chambretaud composèrent la chanson titrée « La mariée de Chambretaud » en patois poitevin pour la fête du 13 août 1939 dont
voici la traduction :" Ce n'est pas pour dire, mais Chambretaud Est un pays comme il faut : Toutes les filles ne s'y marient pas, Il en reste toujours sur le carreau. Enfin, voici ce qui est arrivé ; Cela m'a été raconté Tel que cela s'est passé Par le curé Bienaisé, Voici ce qu'il m'a dit : " Lui, Jean Loiseau, Non pas qu'il fût sot,
Était pratiquement vieux garçon Et cela ne lui souriait pas De partir à la guerre. Napoléon ayant dans l'idée D'y envoyer tous les vieux garçons ; Il y avait un moyen de l'éviter, C'était une belle fille Qui avait de beaux yeux, et des sourcils Encore plus beaux... Ce qui est certain : Comme il fallait se hâter, Quinze jours plus tard, ils se mariaient, À la mairie, Ils ont dit oui ; En revenant de chez le curé Ont commencé à se disputer : Dame, elle avait la réplique ! Comme il était marié devant la République, Le gars se dit que cela lui suffisait : Il planta là sa mariée... Toute apprêtée !
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Ce texte est sans doute parfaitement inchantable, et sans doute personne ne l'a-t-il chanté.
Commentaire adressé site Mauges et Bocage
https://www.maugesetbocage.com/La-Mariee-de-Chambretaud_a416.html#last_comment
Etes-vous bien sûr du texte fantaisiste de la pseudo chanson publiée ici et qui ne comporte ni strophes, ni rimes et qui n'a jamais été chantée par personne. Vous connaissez sans doute la véritable chanson, "J'va vous conter l'historiette" etc... La version que vous proposez est de Mr de Suyrot qui était un grand fantaisiste.
Après tout cette Mariée de Chambretaud fait partie de notre patrimoine, pourquoi la dénaturer ainsi.
Voir ma page de blog "Histoire d'une chanson"qui fournira toutes informations historiques permettant déjà de ne pas mélanger le proverbe du début du XIXème siècle et la chanson qui date de 1898. Les 2 se contredisent : dans le proverbe, c'est la mariée qui plaque le garçon, dans la chanson, la vraie, c'est l'inverse !
Jo Laporte
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